Je profite de la fin de ma mission intérimaire pour m'arrêter un peu sur cette expérience malgré tout enrichissante. J'étais jusqu'à il y a peu manutentionnaire dans un entrepôt de Richmond, ancien quartier excentré au sud de Vancouver, devenu aujourd'hui une véritable commune. C'est là que depuis une quinzaine de jours, je me rends après une bonne demi heure de skytrain pour une journée de travail de 8 heures (de 10 am à 6h30 pm). Je bosse dans un entrepôt comme il est existe des dizaines dans cette partie industrielle de la ville, qui appartient à l'un des leader mondial de la distribution de matériel informatique. Je ne sais si vous connaissez la série, The Office, mais imaginez-vous les commerciaux qui bossent à la com' dans un bureau et derrière la cloison y'a nous.
Mon job est d'être un "picker", comprendre celui qui va chercher les éléments de la commande. En clair, vous commandez une imprimante, un toner, une house pour votre I-pad, un écran 21 pouces et pourquoi pas une câble USB...et bien avant que le colis n'arrive chez vous, il y a d'abord un mec, en l'occurrence moi, qui doit réunir tous les "items" sur un charriot et qui les envoient ensuite aux autres mecs qui s'occupent d'empaqueter tout ça.
Donc mon job c'est de marcher inlassablement (enfin si, c'est super lassant en fait) entre les "rayons" muni de mon pistolet à code barre et de flinguer toute les étiquettes qui passent à ma portée.
Je ne m'étalerais pas sur le côté technique de ce job... C'est vrai, je pourrais vous expliquer comment bien scanner un produit en inclinant comme il faut le laser infrarouge par exemple, ou comment assembler une boîte en carton pré-formée. Ou encore comment poser une étiquette sur un colis...(pas si facile).
Je pourrais m'étendre sur tout ça, mais...non. Si vous êtes encore là, c'est que vous êtes déjà bien courageux. En revanche, je parlerais plutôt de cette petite expérience en elle-même. Cette expérience de "working class (hero)" qui me permet de voir un Canada que je ne verrais pas forcément sinon.
Donc en gros pendant 15 jours j'avais mon petit rituel, skytrain, marche de 10 minutes au milieu des entrepôts, je passe à mon casier et je me déguise. À peine le temps d'échanger 3 mots avec tes co-worker... J'enfile mes chaussures de sécurité qui me défoncent les chevilles, mon gilets fluo histoire de ne pas me faire écraser par un fenwick, je glisse ma main droite dans une espèce de machine toute zarbi qui me reconnait instantanément et c'est parti pour huit heures. Ah oui, j'oubliais le principal. J'éteins mon cerveau et je le laisse dans mon casier...
Faut que ça tourne, pas de temps à perdre, le temps c'est de l'argent, productivité !
Tu parles plus de 2 minutes sans être à fond et t'as ton boss, très sympa au demeurant qui te propose aimablement de reprendre le taf... poliment...PRO-DUC-TI-VI-TY.
Outre le fait de bosser huit heures par jour, seul face son pistolet laser dans un entrepôt sans réellement parler avec ses collègues, cette expérience m'amène à voir une autre réalité du Canada, et de voir surtout une facette du pays qu'on n'imagine pas forcément.
Je dirais pour résumer que l'équipe avec qui je travaille est à l'image du Canada d'aujourd'hui. Exit le cliché du Canucks en chemise de bûcheron born and raised in Canada. Où je travaille, excepté le manager, aucun de mes collègues n'est né au Canada. Ils viennent des Philippines principalement, de Chine, du Chili, de l'Inde (les seuls qui défient Bryan Adams avec "leur" propre radio, branché en prise direct avec une radio indienne), d'Ukraine ou de Roumanie... sans compter mes deux potes Irlandais, intérimaires comme moi. Ils ne sont pas forcément encore citoyens mais le deviendront et ont déjà le drapeau Canadien sur leur voiture... Ici on ne force pas les gens à "devenir" Canadien, ils le deviennent d'eux-même, d'autant plus qu'on ne leur impose aucun moule en leur rappelant sans cesse leurs origines...
Et quand vient le soir, que les camions arrivent pour prendre les chargements, j'échange quelques plaisanteries avec les chauffeurs qui sont d'origine Croates, Sikhs ou Hongrois.
Ah oui, et puis il y a un rituel auquel on doit tous se plier, tu ne peux pas sortir de l'entrepôt sans passer au détecteur de métal, chaussures comprises. J'ai beau expliqué que tu peux difficilement planquer un photocopieur dans une chaussette, rien y fait. "C'est la procédure !" me répond la dame de la sécurité avec un accent Ukrainien à couper au sabre de Cosaque. Je ne peux m'empêcher de l'imaginer en gardienne de goulag...
Dernière au sujet de la productivité... Le rendement de chaque "picker" est enregistré sur le serveur de l'entreprise et ça sort sous la forme d'un pourcentage. On est censé cliquer un minimum de tant par heure, sinon on est pas assez efficace... Pour l'instant je dois faire l'affaire mais je suis loin d'être un as.
Dernière chose, mercredi dernier je me fais appeler par le contre-maître, j'avais fait une erreur. J'ai envoyé 3 cartouches d'imprimante rose au lieu de 2 dans un colis de plus de 150 unité. Une erreur donc mais j'ai dû signer un formulaire comme quoi "Pierre Verrière est conscient de son erreur et s'engage à être plus vigilant dans sa tâche....". On peut pas être plus carré, je pense...
Bref, c'était un post chiant pour parler d'un taf chiant. La prochaine fois je vous parlerais de la première Vancouver Fashion week que je couvrirai la semaine qui vient en full-access pour un journal bilingue de Vancouver (bénévolement, mais ça c'est une autre histoire...), ce sera un autre décor.
Mais non c'était pas chiant! Je trouve ca intéressant cette manière qu'on les étrangers de devenir canadiens sans problèmes, à l'heure où on interdit le voile en public en France...
RépondreSupprimerAssez d'accord avec toi, Thomas...Putain, j'ai un commentaire, je suis tout émus.
RépondreSupprimerhahaha que d'émotion!
RépondreSupprimerT'as du retard Pierre. la fashion week, c'était pas le mois dernier déjà ?!
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